miércoles, 16 de febrero de 2011

Artículo No.5. En Algérie, la protestation pourrait durer plus longtemps qu'ailleurs"



LEMONDE.FR | 12.02.11 |
Luis Martinez est chercheur au Centre d'études et de recherches internationales de Sciences Po Paris, spécialiste du Maghreb et du Moyen-Orient.
Hosni Moubarak vient d'annoncer son départ du pouvoir en Egypte. Quelles peuvent être les conséquences de cette décision sur les pays voisins ?
En ce moment, nous réfléchissons minute par minute. Mais d'ores et déjà, on ne pourra plus dire que le départ d'un président dans cette région est un fait exceptionnel. On a pu le dire après la Tunisie, mais plus maintenant. La pression égyptienne a permis non pas la fuite de Moubarak, mais sa sortie par le haut, avec un départ protégé par l'armée : cela va donner des idées à tous ceux qui pensaient que c'était inimaginable. C'est comme si un nouveau mur de Berlin se fissurait : il y aura probablement des résistances plus ou moins fortes selon les endroits, car le "béton" n'est pas le même partout, mais cette fois, nous sommes passés à un stade supérieur, c'est un événement considérable.
Quelles suites peut-on envisager à la chute de Moubarak ?
Le fait que l'armée égyptienne soit solidaire jusqu'au bout avec le pouvoir lui permet d'apparaître comme un intermédiaire crédible face à la population. En substance, l'armée dit au peuple : "vous avez fait tomber Moubarak, certes, mais vous ne pouvez pas vous en prendre au système", ce qui risque de limiter la diffusion du processus de démocratisation. C'est une victoire importante, mais les Egyptiens vont devoir affronter politiquement une armée qui, elle, reste solide. Ce n'est pas la même situation qu'en Tunisie, où les manifestants n'ont aucune limite et veulent tout, y compris le démantèlement des institutions.
Une telle contagion est-elle possible à l'Algérie ?
L'Algérie pourrait tout à fait gérer un siège sur Alger de deux, trois mois. Le pays a malheureusement une grande expérience en la matière et saura le faire, il en a les moyens. Le mouvement de protestation pourrait durer plus longtemps en Algérie qu'ailleurs car elle ne dépend pas de l'industrie touristique comme l'Egypte, son système politique n'est pas bâti sur la rente du canal de Suez ni sur les aides de l'armée américaine à l'armée égyptienne. De plus, elle peut s'appuyer sur les 50 milliards de dollars de pétrole et de gaz qu'elle vend chaque année à l'étranger. Elle n'a donc aucun problème en terme de résistance à la pression extérieure.
D'ailleurs, on voit mal l'Union européenne exercer la moindre pression : l'Algérie l'approvisionne pour 10 % en gaz et en pétrole. Quant à l'intervention de la CIA, elle est peu probable : l'Algérie n'est pas un pays stratégique et ne connaît pas spécialement de problème avec Israël. On voit donc mal les Etats-Unis jouer en Algérie un rôle aussi considérable qu'en Egypte.
Je ne suis pas sûr que la police, l'armée, les politiques aient envie de revivre une épreuve de force qui pourrait durer des semaines et des semaines : ils savent d'expérience que cela pourrait déboucher sur une guerre civile. Les Algériens se sont entretués lors de la guerre d'indépendance, puis dans les années 90. La crainte de la guerre est très forte, car même si la guerre civile est terminée, justice n'a pas été rendue aux victimes. Le contexte est donc explosif.
Qui retrouve-t-on au sein de la Coordination nationale pour le changement et la démocratie ?
Je la découvre en même temps que tout le monde. Il me semble que cette coordination tente de faire deux choses. D'une part, associer les forces démocratiques traditionnelles en Algérie, présentes sur le terrain dans les années 1980 et 1990 et qui avaient un peu disparu dans les années 2000, et des éléments virtuels qui, sur les modes tunisien et égyptien, tentent de structurer une action collective dans l'espoir qu'elle débouche sur une vraie manifestation. Dans ce deuxième groupe, on trouve un peu de tout : essentiellement des gens qui ont pris des initiatives sur la Toile. D'autre part, la coordination doit trouver de vrais supports politiques, comme en Tunisie et en Egypte, pour passer du virtuel au réel et transformer les aspirations en négociations.
Ce qui s'est passé en Tunisie et en Egypte montre que c'est possible : si l'armée égyptienne est prête à laisser partir le raïs la tête haute, pourquoi pas en Algérie ? J'attends de voir si les Algériens vont reprendre les mêmes slogans qu'en Egypte. Si c'est le cas, cela veut dire que le mode opératoire est comparable. Et si la pression populaire était suffisamment forte demain pour faire partir Bouteflika, je pense que l'armée n'aurait pas de mal à le pousser vers la sortie. Mais pour l'armée algérienne, revenir dans la rue affronter la population est difficile à concevoir. Je ne pense donc pas que ça se passerait de cette façon, je crois plutôt que les slogans porteront davantage sur le système algérien que sur son chef.
Quels obstacles les forces révolutionnaires algériennes pourraient-elles rencontrer ?
En Algérie se pose la question de la solidarité du pays avec sa capitale. Je suis curieux de voir si la dynamique va prendre, car Alger a pendant longtemps été considérée comme une ville frondeuse, emplie de révoltés et de manifestants, et dans laquelle le reste du pays ne se retrouve pas forcément. En Egypte, le Caire a été soutenu très rapidement par le reste du pays. Idem en Tunisie, où la révolution est partie d'une petite ville de province pour arriver jusqu'à Tunis, preuve que l'ensemble du pays s'est reconnu dans le mouvement. En Algérie, en revanche, cette question reste la grande inconnue.

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